Sandrine a pris ses quaartiers à l'INSEP pour suivre Charles-Antoine Kouakou. La psychologue a réalisé un travail très pointu avec le champion paralympique qui a été fort utile à Vincent Clarico et Fred Drieu.
Avec sa disponibilité naturelle, Sandrine a répondu à nos questions en nous éclairant sur tout ce qui est intéressant pour comprendre le fonctionnement d'un travail rigoureux et bien mené.
(Mercredi, séance de vélo sous l'oeil de Sandrine à l'INSEP)
Votre venue à l'INSEP serait-elle le début de votre carrière d'athlète de haut niveau ?
(Large rire) Oh non, cela dépend de la catégorie dans laquelle je me trouve. Être athlète de haut niveau n'a jamais été un rêve car j'ai su très vite que cela n'était pas pour moi.
Passons donc de la légèreté au sérieux, quel est votre rôle auprès de Charles-Antoine Kouakou ?
J'ai vraiment débuté avec lui en juillet lorsqu'il a intégré le CREPS de Chäteany-Malabry. Je le connaissais bien entendu avant mais sans avoir travaillé avec lui. Pour son entrée, le questionnaire n'était pas adapté et nous avons travaillé sur une grille plus fine d'observation. La particularité d'une déficience mentale demande des techniques adaptées particulières. Nous avons échangé avec le CREPS avec de bons éclairages.
Qui portaient surtout sur Paris 2024 ?
Pas que. Nous avons discuté de son avenir. Lors de son expérience positive avec le titre paralympique de Tokyo, Charles-Antoine a eu du mal à retourner dans le réel avec les sollicitations, les récompenses, les hommages, la reprise du travail à l'ESAT...Il a fallu faire des choix difficiles.
Comment s'articule ce travail de fond qui lui a permis de se replonger dans Paris 2024 ?
C'est de l'accompagnement, de comprendre son profil, ses propres choix qu'il est amené à faire pour lui. Il y a des enjeux multiples. On doit traduire son fonctionnement, la gestion du stress, accompagner aussi son entraîneur Vincent Clarico, l'adaptation du discours. Il y a un travail sur le présent mais aussi sur l'avenir avec un accompagnement psycho-social pour l'après-carrière.
Qu'a apporté à CAK ce sport de haute performance ?
Le haut niveau lui a apporté beaucoup de choses. L'argent avec la prime olympique, l'autonomie, le fait qu'il puisse entraîner à Antony 92, son club où il a des repères. Il développe des compétences pour lui mais utiles aux autres. Il a énormément progressé en tirant profit de la mise en place des aides pour une certaine autonomie. Le sport a eu un gros impact chez lui. L'échange qui arrive au niveau sportif n'est pas une fin en soi. Il ne faut pas laisser de vide derrière lui, pas de coupure.
Pour avoir vu évoluer CAK depuis quatre ans, votre présence est du domaine du positif. Il évolue mais comment avez-vous procédé ?
Par de nombreuses séances individuelles, la possibilité d'aménager son environnement. Il ne possède pas de facultés de dialogue intérieur donc il ne faut pas ou peu de perturbations autour de lui. Il possède des troubles du langage mais il a une autre forme d'intelligence en comprenant les choses qu'il peut faire. Il a fallu travailler sur le contrôle de ses émotions et identifier les sources de stress.
Il semble avoir dans cette ligne droite finale une stabilité émotionnelle ?
Oui, il lui faut une routine sécurisante pour lui, du repos, des gestes simples et répétitifs avec un contrôle de l'environnement. L'INSEP est un lieu idéal pour couper, se ressourcer, travailler avec Vincent et surtout se mettre dans sa bulle. Il se sent bien quand il y a cette routine, ces repères utiles et indispensables. L'environnement est calme, serein dans ce milieu apaisant entre sportifs de haut niveau. L'exclusion des situations de stress est vivifiante. Fred Drieu lui apporte les éléments pour sa vie quotidienne en apportant aussi sa compréhension, son soutien. Ils s'entendent bien et ce depuis longtemps. Vincent est l'entraîneur et ils se connaissent parfaitement. La relation est saine et ils se comprennent totalement.
Et vous Sandrine qui êtes la seule femme dans cette petite bulle ?
(Sourire) Je pense que cela le sécurise aussi. Il est content. On joue beaucoup ensemble. Je lui explique ainsi vraiment les choses. Les choses sont bien positionnées. Vincent c'est le physique, moi c'est le psychologique. Je l'ai vu régulièrement cette dernière année. Une relation de travail s'est nouée facilement avec un stage profitable en Italie. Je suis pour lui une personne de référence.
Il y a au sein de votre équipe à trois une cellule familiale…
Oui un système familial même si nous ne sommes pas ses parents. On garde toutefois une distance mais c'est maternant et CAK a besoin que l'on soit fier de lui.
C'est amusant car cette bulle ressemble à celle de Tokyo ?
Oui, il y avait le COVID et CAK a maintenu son état de forme au calme, dans le silence avec Vincent. Ce sont un peu les mêmes dispositions mise en place avec l'ancrage des petits gestes, du rituel. L'environnement global est très important.
(CAK porteur de la flamme, possède toujours le feu sacré)
Quel a été votre travail et comment est le champion ?
On a beaucoup parlé en images, en dessins. Il a ses repères bien définis avec la piste, le couloir et est capable d'expliquer sa course. Il n'est pas du tout stressé par l'épreuve qui arrive. Il n'a pas peur de la foule, bien au contraire et il est dans le plaisir du moment présent. On fait toutefois très attention aux blessures en surveillant attentivement car il peut passer comme bon nombre de sportifs sur ses douleurs.
Comment le ressentez-vous ?
Il est hyper agréable, taquin, gentil, vraiment une personne chouette. C'est une belle personne.
On va se permettre ma chère psy d'entrer dans votre tête, comment allez-vous réagir au moment du départ sur son 400 m final ?
(Amusée) Je… (silence) vais être focalisée sur son bien être, pas sur le résultat, médaille ou pas. CAK est un profil complexe et singulier avec une déficience intellectuelle. C'est un challenge très intéressant. Bon je suis plus précise, je ne sais pas comment je vais réagir, sans doute pleurer car on vit chaque moment intensément. Il y a un vrai intérêt pour moi. J'ai eu une grande chance de travailler dans ce groupe avec Vincent, un entraîneur formidable, Fred et beaucoup d'autres. Un challenge humain et fédérateur. Il n'est pas aisé pour un entraîneur de travailler sur la compréhension par CAK d'une seule consigne à la fois. On a mis en place des outils, de la stabilité, de la compréhension avec sa soudaine prise de poids liée à un changement. Là on touche au but mais il y a aussi demain car tout ne va pas s'arrêter brutalement pour CAK après la finale. Il faudra être là aussi dans le suivi. Il ne faudra pas de points de rupture. Mais quelle belle aventure pour ce champion très attachant.
Pascal Pioppi
Découvrez le portrait de Sandrine Destouches fait en janvier 2022.
https://www.sportadapteiledefrance.org/Actualites/Sandrine-Destouches-de-bonheur